ACTIVITÉS















I. « L’Arbre de Guy Bouchauveau »



II. Milan: le point de vue de quelques spécialistes: Yann Cantin, Yves Bernard, Christian Cuxac, Pierre Encrevé…

Milan.

III. Les événements majeurs du « Réveil Sourd »

Le réveil Sourd. Quelques dates.

La France endormie: aux Etats-unis le mouvement sourd débute dans les années 1960 . Ce mouvement va de pair avec les mouvements d’affirmation de soi. En France , il faut noter qu’au début des années 1970, on ne parlait plus de la langue des signes.
On pensait qu’elle allait peu à peu disparaître. Mais heureusement divers événements provoquent et participent à ce mouvement qu’on nomme le « Réveil Sourd en France » et dont André Minguy rappelle l’essentiel dans son ouvrage.


A. Le 7ième congrès mondial de la FMS

Le 7ième congrès mondial de la FMS a eu lieu en 1975. « A leur retour du congrès de la FMS à Washington, les Sourds, qui, jusque-là, avaient une vie quasi programmée entre l’internat ,la communauté et l’isolement social, constitue le fer de lance du renouveau et mènent diverses actions pour faire reconnaître la langue des signes. Cette période est très justement appelée le « réveil Sourd » , par opposition au sommeil dû à l’anesthésie consécutive au congrès de Milan un siècle plus tôt, en 1880. » selon Fabrice Bertin.


B.Création de l’IVT

« En 1976, un sourd américain , Alfredo Corrado, se rend à Paris accompagné d’un interprète ASL-anglais, Bill Moody. Ils veulent prolonger l’impulsion donnée par le congrès de Washington et incitent les Sourds à enseigner leur propre langue. Au même moment Jean Grémion, metteur en scène, soumet à l’Unesco le projet d’un théâtre Sourd à Paris , à l’image de ceux qu’il a vus aux Etats-Unis. Corrado et Moody s’associent à cette initiative. En 1977, l’ouverture de L’International Visual Theater(IVT), dont le nom rappelle l’influence américaine , symbolise le réveil sourd. La création de ce centre théâtral, qui comporte également des activités d’enseignement de la langue de signes à un public d’entendants, est une première. Elle a une portée considérable. » Fabrice Bertin

C.Mottez et Markowicz

En 1977, Bernard Mottez et Harry Markowicz fonde la revue  Coup d’oeil. Cette revue hebdomadaire va vite devenir la chronique et le catalyseur du mouvement français. Bernard Mottez travaillera jusqu’à la fin de sa carrière à la défense de la langue , de l’identité et de la culture sourde . Il a aussi accompagné la création de l’association « Deux langues pour une éducation » dont le but est de permettre aux enfants sourds de recevoir un enseignement bilingue à l’école. Il a réussi à changer le regard social exclusivement réparateur posé sur les Sourds depuis plus d’un siècle.


D.Témoignages

Voici deux témoignages extraits du livre de André Minguy : « Le Réveil Sourd en France » C’est Victor Abbou qui témoigne:

1. Concernant les prémicesles débuts, les premiers signes du Réveil Sourd en France: « Avant 1977, je ne me rendais pas compte de ce qui était spécifique aux sourds , comme l’identité sourde et la fierté d’être sourd. Je ne connaissais pas ça[….] Je voyais des sourds qui oralisaient et d’autres qui signaient. Je ne réfléchissais pas. J’habitais Paris. J’y rencontrais beaucoup de sourds signants. Par contre, au cours de mes déplacements je constatais que les sourds en France signaient moins que dans la capitale. Moi je considérais les sourds oralistes comme des surdoués. Je ne pouvais pas les approcher quand ils oralisaient. Ils ne comprenaient pas quand je leur parlais, ça me rendait confus et gêné. J’estimais que leur niveau d’études et de connaissance était supérieur au mien et au groupe des sourds signants. J’ai vu des oralistes surtout dans le midi, des personnes très intelligentes et artistiquement douées. Je les sentais supérieures à nous.[…] Dans les transports en commun (métro, train ou bus) , quand je discutais avec un camarade en langue des signes, je me sentais obligé d’abaisser mes mains à cause des regards réprobateurs et interrogateurs qui se tournaient vers moi et mes camarades. A cette époque, on comparait les sourds signants à des singes. On ne nous parlait pas. On nous prenait pour des étrangers. Mon français était très approximatif lorsqu’il fallait communiquer par écrit avec les personnes entendantes.[…] Depuis que j’ai quitté l’école, à l’âge de 19 ans et jusqu’en 1977, je me suis comporté comme mes camarades sourds de l’époque. Je gagnais mon pain en travaillant. Je n’ai pas choisi mon métier. C’est l’institution des sourds qui m’avait conseillé de faire couturier. Je me suis forcé à le faire , je me demandais si j’allais continuer jusqu’à la retraite. Tout allait bien, entre guillemets. Je ne me préoccupais pas de la vie ni de l’avenir des sourds( combat politique, défense des intérêts culturels et linguistiques de la communauté sourde…). La vie culturelle et intellectuelle des sourds signants n’était pas très développée. Notre quotidien se résumait à des banalités, des choses simples. On nous faisait comprendre que nous étions limités, que beaucoup de choses ne nous étaient pas accessibles.[…] »

L’IVT aujourd’hui.

2. Concernant la création de l’IVT  « Un jour, j’ai vu dire qu’il y avait un projet de création d’un théâtre pour les sourds au Château de Vincennes . La rencontre était prévue le mardi 21 février 1977 , à 18h30 . Comme je suis de nature très curieuse, je n’ai pas hésité à me lancer. Beaucoup de monde était venu ce soir là, beaucoup de sourds de tous milieux, même ceux qu’on détestait. L’image qui m’a alors le plus marqué, c’était la présence de deux personnes: un sourd américain, Alfredo Corrado, et un entendant français, Jean Grémion. Un entendant? Qu’est ce qu’il venait faire ici? Je ne comprenais pas. Le sourd américain signait. la curiosité me poussait à l’approcher, mais j’avais peur de ne pas être à la hauteur en communication gestuelle.[..] L’entendant signait aussi et là, je n’en revenais pas. Je n’avais jamais vu ça. La très grande majorité des entendants utilisaient l’oral. Il y en avait bien qui utilisaient la langue des signes, mais il était rare de les voir discuter avec des sourds adultes. Ces deux là réunis dans un monde de sourds! Le cas d’Alfredo et de Jean Grémion a été pour moi un événement exceptionnel. Le duo bilingue a accueilli les sourds au 3ème étage du château de Vincennes, je m’en souviens encore. Ce moment là restera gravé à jamais dans ma mémoire. Au départ, les sourds étaient nombreux à venir au château[..] . Puis certains se sont désistés et il ne resta plus qu’un groupe de volontaires, déterminé à tenter l’aventure. A partir de là, et grâce à Alfredo , je me suis rendu compte petit à petit de la valeur de la langue des signes. Les arguments d’Alfredo sur la beauté de cette langue m’avaient complètement bouleversé. La Langue des Signes Française pouvait être montrée! Je ne savais plus à quel saint me vouer, j’étais vraiment désorienté. Alfredo m’a encouragé, il a réussi à évacuer mes hontes. Par la suite, j’ai appris à me connaitre et à m’affirmer. Grâce à IVT, j’ai découvert avec passion toutes sortes de sujets comme le sport, la politique, l’humour,…etc. Je n’en finissais plus de me redécouvrir; tellement assoiffé de savoir, je fréquentais cet espace de vie tous les soirs, j’y consacrais des journées entières et jusqu’à très tard dans la nuit. Obnubilé par la nouvelle dimension culturelle que j’avais acquise en langue des signes, j’avais l’impression d’avoir récupéré tout ce qui me manquait du temps où je fréquentais l’institution. J’ai eu la chance de me trouver dans cet espace magique. Comme un clou, enfoncé dans une planche, qui restera fixé pour longtemps, je n’oublierai jamais qu’IVT, grâce au duo bilingue, m’a permis d’être tel que je suis aujourd’hui. »